Martine Aubry soutient les professeurs grévistes
Martine Aubry sera ce dimanche à Paris pour soutenir la manifestation unitaire des métiers de l'éducation (l'appel de l'UNSA). La manifestation commencera à 14H00 à la place d'Italie dans le 13e arrondissement de Paris.
Avant cette manifestation, Martine Aubry rencontrera des jeunes et des membres du corps enseignant au café le Sputnik (Google maps) au 14 rue de la Butte aux Cailles de 12H00 au début de la manifestation. Vous êtes bien entendu convié à cette réunion et vous aurez ainsi la possibilité de voir la première signataire de la motion D Changer à gauche pour changer la France. J'espère vous y voir.
En tout cas, j'y serai.
Pour approfondir sur les propositions de Martine Aubry pour l'éducation, je vous propose un article d'un militant parisien signataire de la motion Changer à gauche pour changer la France.
Pas de citoyen sans école
L'école. L'École, bien sûr. L'École en crise, cette crise dont chacun parle à satiété depuis plus de trente ans, cette crise qui est d'abord une crise de confiance et qui engendre une déception d'autant plus grande que l'on place en l'École, légitimement, tant d'espoirs et d'aspirations.
Sur le malaise suscité par la question scolaire, sur le mal-être de ses acteurs prospèrent des plans et des discours démagogiques et anti-scolaires qui, sous couvert de bon sens et de réaffirmation des valeurs, préparent et proposent un retour à une école ségrégative: le « lire, écrire, compter », nécessaire pour tous, serait suffisant pour certains – suffisant en effet si l'on ne se donne pas pour ambition de rebattre les cartes sociales et de former à une citoyenneté véritable. Il n'y a donc rien d'étonnant, ni sur le plan historique, ni sur le plan idéologique, à ce que la droite s'affaire aujourd'hui avec tant d'énergie à démolir l'École de la République, notamment via la diminution des heures d'enseignement dans le primaire et les suppressions de postes par dizaine de milliers.
Réfléchissons un instant : si tant est que la maîtrise des savoirs fondamentaux ait véritablement reculé ces dernières décennies, ceci peut-il être dû à l'ouverture de l'enseignement secondaire et supérieur à une plus large partie de la population ? Non, c'est bien sûr faute de s'être donnés les moyens nécessaires pour s'adapter à la diversité des élèves, de leurs situations sociales et culturelles. Plutôt que de renoncer à l'éducation pour tous, donnons aux enseignants la reconnaissance qu'ils méritent avec la liberté et les moyens d'individualiser les parcours quand ils le pensent nécessaire, pour respecter le rythme d'acquisition de chacun, dans le cadre d'une école qui soit celle de tous, et non pas celle de l'élève idéal.
Inévitablement, sur le chemin de l'école, les élèves dont les parents ont un niveau socio-culturel moins élevé sont et seront toujours désavantagés. Notre système éducatif doit précisément s'attacher à corriger autant que possible cet état de faits, et il y réussira d'autant mieux qu'il s'y attellera au plus tôt, dès le plus jeune âge, par le moyen d'un véritable service public de la petite enfance, auquel M. Darcos s'opposera sans doute, lui qui fait semblant de penser qu'on ne fait, à l'école maternelle, que changer des couches. Sait-il que les enfants y apprennent, déjà, à vivre ensemble, y entendent d'autres mots, y découvrent d'autres choses que chez eux et que leurs parents y gagnent la liberté de poursuivre leur vie professionnelle, quelle qu'elle soit ?
Plus tard, au collège, au lycée, ayons l'audace de moduler du simple au double le nombre d'élèves par classe, selon que ceux-ci sont issus majoritairement de milieux rendant leur scolarité moins, ou plus, aisée. Cessons de nous étonner du fait que des enfants et des adolescents dont les homologues (et souvent les parents), cinquante ans en arrière, n'avaient pas accès à l'enseignement secondaire, soient plus difficiles à scolariser à ce niveau que les anciens élèves des lycées classiques ! Supprimer la carte scolaire réactive cette ségrégation, alors même qu'il faut fonder dès l'école une mixité sociale qui devra s'étendre à nos villes.
La démocratisation de l'enseignement est au cœur du projet socialiste, nous devons en relever le défi, de la petite enfance à l'université. En particulier, nous ne pouvons nous satisfaire d'une démocratisation qui ne soit qu'une « massification » des premiers cycles universitaires. La considération et l'attention accordées aux étudiants des classes préparatoires et des grandes écoles ne sont pas pour rien dans leur réussite ; il faut s'en inspirer pour rénover nos premiers cycles universitaires, à travers une meilleure écoute et une meilleure orientation des étudiants, avec la mise en place de cours de remise à niveau : est-il si étonnant que l'université ait du mal à former ses étudiants quand on sait que l'État dépense en moyenne près de 14 000 euros par an pour un étudiant de classes préparatoires contre 7 000 euros à l'université ?
Nous devons nous donner les moyens d'avoir un enseignement supérieur digne de ce nom, ouvert au plus grand nombre et sur les finalités duquel on ne se méprenne pas : l'université est au service du citoyen, pas de l'entreprise. Ce n'est pas à la collectivité nationale de supporter une formation professionnelle qui « fournirait » aux entreprises des salariés « sur mesure » pour les postes qu'elles ont à pourvoir. Dans une société où il devient de plus en plus rare de faire toute sa carrière dans une même entreprise, voire dans un même métier, l'enseignement, surtout supérieur, doit donner les ressources intellectuelles nécessaires à la mobilité professionnelle et certainement pas « formater » pour les besoins, d'ailleurs forcément changeants, du marché du travail. C'est le rôle de la formation en entreprise d'assurer in fine cette adéquation, et la mise en place d'une sécurité sociale professionnelle doit doter chacun d'un compte formation, transférable d'une entreprise à une autre, lui permettant de développer ses compétences et de transformer, au besoin, les périodes de chômage en période de formation.
De même, il faut sortir d'un schéma dans lequel la formation ne peut être qu'initiale, et dans lequel un diplôme obtenu ou raté à vingt ans détermine la trajectoire de toute une vie. Il y a tant de raisons, du déterminisme social aux crises familiales, qui peuvent conduire quelqu'un à quitter l'école très vite, très tôt. Il faut d'abord faire en sorte que ceci ne se fasse pas en situation d'échec, mais à travers des filières courtes débouchant plus rapidement sur un diplôme, technologique ou général. Il faut ensuite que celui qui, ayant quitté l'enseignement général à quatorze ou seize ans, ressent à trente-six ans le besoin, pour mieux comprendre le monde qui l'entoure, de suivre des cours d'histoire, de géographie, de philosophie ou de sciences, puisse le faire : un crédit-études doit permettre à chacun de suivre à son rythme l'enseignement général que l'idéal républicain exige de mettre à la portée de tous.
L'ambition de l'École républicaine du XXIe siècle doit prolonger celle de la fin du XIXe. Laïque, mixte et gratuite, elle doit avoir pour objectif de hisser chacun, à son rythme, au niveau d'éducation et de culture qui lui permettra de s'émanciper des pressions infantilisantes, populistes ou obscurantistes, en deux mots : de vivre en homme libre, en véritable citoyen, dans une société qui fasse civilisation.