Réinventer la gauche : la contribution de Jean-Luc Mélenchon
Le premier à se lancer dans la défense de sa contribution sur ce blog est un militant de Trait d'Union. Jérôme Charge est une militant socialiste du XXème arrondissement de Paris. Il milite aussi au sein de Pour la République sociale association fondée par Jean-Luc Mélenchon. Il nous présente aujourd'hui la contribution Réinventer la gauche.
Je voudrais dire aux socialistes, avant de commencer ma présentation : ne faisons pas un congrès pour rien.
Le
moment politique actuel devrait nous porter. Le libéralisme économique
fait plus que trébucher : crise des subprimes, récession américaine,
émeute de la faim, crise politique en Europe, écosystème en péril,
inégalités sociales croissances. La côte de popularité du chef de
l’Etat, seul commandeur de la droite, est en perdition. Un fort
mouvement social avec 2 manifestations par semaine. Et pourtant, force
est de constater que cela ne nous profite pas beaucoup.
Nous devons donc réinventer la gauche, pour offrir au pays une alternative politique. Notre responsabilité est immense, tant le peuple français attend de nous une réponse, mais aussi le peuple de gauche en Europe et dans le monde (notamment en Amérique Latine).
Evitons les combats de personnes ; la pipolisation de la politique nous dessert. Débattons sur le fond sur les grands sujets et dégageons une ligne politique en capacité à convaincre le peuple français.
La sociale démocratie est partout en impasse et
détruit l’Etat social qu’elle avait elle-même construit. En Italie, la
sociale démocratie s’est rangée derrière le démocrate Veltroni
affirmant être réformiste et non de gauche. La déroute fut lourde face
la droite berlusconienne et l’extrême droite italienne. En Allemagne,
le SPD a préféré gouverner avec la droite plutôt que d’accepter un
programme commun et majoritaire dans le bundestag avec l’autre gauche
(Verts, Die Linke). En suède, elle a sèchement perdu. En Angleterre,
l’ex-leader du New Labour, Tony Blair, « a toute sa place au
gouvernement » selon Sarkozy…
En Amérique latine, la gauche se réinvente sans la sociale démocratie et parfois même contre elle.
Le grand danger de ce congrès est de voir confirmer la conversion du PS au courant démocrate. Et cette ligne se concentre sur quelques points essentiels.
1/ L’Europe
Le traité de Lisbonne est mort.
Les irlandais ont voté non. Alors que fait-on ? Choisissons-nous la
proposition de Poul Rasmussen, président du PSE, de faire revoter les
irlandais jusqu’à ce qu’ils disent oui ? Ce serait en finir avec le
projet démocratique. Ce n’est pas raisonnable.
Nous proposons que les prochains députés européens élus en juin 2009 reçoivent un mandat constituant pour écrire, enfin, des institutions démocratiques à l’UE.
Sujet concomitant à celui-ci, le projet européen bifurque vers le « grand marché transatlantique
» entre l’UE et les Etats-Unis, sous l’impulsion des sociaux démocrates
et de la droite européenne. Ce projet propose d’établir une nouvelle
zone de libre échange avec harmonisation réglementaire et législative
en ce sens. Le tout avec la création d’une assemblée transatlantique
aux capacités législatives encore plus obscures que celles de
l’actuelle assemblée européenne.
Je refuse
ce projet et invite les socialistes à se saisir de celui-ci. Nos
euro-députés se sont abstenus. Ce n’est pas une attitude tenable.
2/ La répartition des richesses
Le
courant démocrate abandonne ce sujet pour y préférer la seule lutte,
légitime certes, contre les discriminations. Il déclare finis la remise
en cause des inégalités sociales.
La sociale démocratie allemande
allonge jusqu’à 67 ans l’âge de départ à la retraite, la social
démocratie danoise supprime l’impôt sur les grandes fortunes, nos
camarades suédois et danois ont expérimenté la hausse de la TVA et la
social démocratie anglaise bloque l’harmonisation sociale par le haut
et fait triompher la semaine de 65h…
Nous devons dire comment nous allons financer toutes
nos belles propositions tant en services publics qu’en prestations
sociales et amélioration de l’existant. Depuis le début des années 80,
la part des salaires dans le PIB a chuté de 10 points au profit du
capital.
Le véritable réalisme de gauche consiste à expliquer
comment nous allons faire pour récupérer le manque à gagner, nous
permettant de dégager une somme considérable de 165 milliards d’euros.
3/ La question des alliances
Le centre n’existe pas. Il y a une gauche et une droite dans ce pays. Nous devons affirmer le principe fondateur du PS : l’alliance à gauche, rien que la gauche et sans exclusive. Il n’est pas vrai qu’une alliance laissée possible avec une partie de la droite, repeinte en centre, permette de proposer un projet social et démocratique fort. Nous perdons, par des alliances contre nature en cohérence politique (même si, pour le moment, cantonner au niveau local). Le peuple de gauche, surtout celui des couches populaires, ne se déplace pas jusqu’aux urnes. Voilà un enseignement terrible des dernières municipales marquée par une forte abstention.
La sociale démocratie européenne a largement tranché sur cette question des alliances : En Italie elle est représentée par un centriste, en Allemagne elle dirige avec la droite…
Pour réinventer la gauche nous devons inviter tous les partis de gauche à débattre autour d’assises du socialisme du 21ème siècle. En tant que parti majoritaire à gauche, c’set notre devoir que de tendre la main à partenaire. Nous ne devons pas souhaiter la mort des communistes ni créer des commissions suspicieuses contre Besancenot. Il n’a pas volé ces électeurs. Ce sont des gens de gauche qui se sentent méprisés par le PS avec ce genre de commissions.
4/ La question de l’Etat
N’aboyons pas avec la droite et les libéraux. Pour eux, l’Etat revêt tous les maux, leur permettant de faire reculer les services publics, les solidarités et les grands fondements de la République. Nous devons l’admettre, parfois, certains socialistes se sont prêtés à la diatribe. Dans ce contexte, beaucoup de français ont perdu de vue les vertus de l’Etat. Nous devons repartir à la reconquête idéologique des esprits.
Il
existe un grand sujet intimement et aisément lié à l’intérêt général :
l’écologie. Le peuple voit bien que le marché de la concurrence libre
et non faussée ne pourra pas résoudre la grave crise écologique. Le
système pourrait aboutir à l’extinction même de l’humanité. Nous sommes
devant la plus forte contradiction du capitalisme.
Nous proposons une méthode : la planification écologique.
Ainsi nous pourrons rétablir les vertus de l’Etat dans les consciences
: celle du régulateur, du temps long, du protecteur et du
redistributeur. Par ce biais nous l’aurons réhabilité permettant ainsi
de réaliser une meilleure répartition des richesses.
La contribution évoque bien d’autres sujets comme ceux de la laïcité, de la 6ème République, de la nouvelle forme du parti en mouvement d’éducation populaire. Des raisons supplémentaires pour la lire.
Les lignes de fractures qui traversent la gauche partout en Europe et dans le monde sont présentes au sein même du parti socialiste. Ce congrès est l’occasion de les aborder par la raison et de les trancher par un vote en novembre. Pour permettre ce grand débat de fond entre ligne démocrate et socialisme républicain, nous invitons toutes les gauches du parti à se rassembler autour d’une motion commune en septembre.